WHO’S BACH?

  • Pièce pour 1 pianiste et 1 danseuse
    32 solos de danse sur les Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach.

    Danse et Chorégraphie : Claire Durand-Drouhin

    Piano: Jean-Sébastien Dureau

    Lumières et vidéo : Vincent Goubet

    Co-Production Ensemble La Falaise /Compagnie Traction

     

  • La danseuse et chorégraphe Claire Durand-Drouhin et le pianiste Jean-Sébastien Dureau se sont plongés dans l’aventure folle d’imaginer les Variations Goldberg dansées et de présenter au public cette performance. L’interprétation de ce monument musical combiné à l’écriture et l’exécution de 32 pièces de danse contemporaine constitue un double défi, mettant en regard sur scène deux modes d’expressions, renouvelant la découverte de l’œuvre de Bach, et sa fantastique construction formelle.

    Après des années de travail collectif, intégrant au sein de la compagnie Traction des danseurs professionnels et des patients issus de milieux psychiatriques, à la recherche d’homogénéité dans le groupe, elle aspire désormais à exprimer la multiplicité de l’individu, et l’éclatement dans le singulier avec l’envie d’exprimer une danse faite de plusieurs courants, à la fois classique dans ses exigences techniques, contemporaine dans ses impulsivités, et nourrie de ces rencontres singulières. La coïncidence de sa démarche avec l’œuvre de Bach, puisant une infinité de caractères et d’inventions à la source d’une seule cellule « matrice », donne à voir et à entendre les variations d’une manière inédite et vivante.

La rencontre entre deux artistes et deux disciplines.

Les variations Goldberg restent un sommet du répertoire pour clavier, tout d’abord car c’est une des plus longues œuvres pour instrument soliste, également pour la profonde et mystérieuse perfection de sa construction architecturale, sa forme à la fois linéaire et cyclique à la puissance exemplaire. L’envie de partager, au sens le plus littéral, ce sommet par nature solitaire est au cœur de ce projet, et ainsi d’éclairer singulièrement l’incroyable parcours que constitue cette heure de musique au delà de la performance individuelle.

En faisant appel à la danse, à un mode d’écriture différent et contemporain c’est bien sur à une forme de transposition visuelle, par le geste que les deux artistes aspirent – non pas dans la redondance ou la recherche d’une illustration gestuelle de la musique – mais plutôt dans le ressenti simultané d’un parcours, et d’une forme. De nombreux aspects dans les variations appellent le geste – à commencer par les danses au sens propre – mais des éléments plus souterrains sont également porteurs d’un questionnement, comme la polyphonie: comment exprimer le multiple dans la solitude d’un corps ?

C’est aussi la subjectivité de l’autre qui est convoquée, dans ce qu’elle a de plus naïf, et de profond aussi.

Qu’est ce qui aujourd’hui nous relie intimement à une aria écrite pour clavecin en 1741, à la rêverie de la variation 13, à la complainte désespérée de la variation 25 ?

Comment ce fil ténu s’exprime lui aussi dans la danse, et comment interagissent dans l’instant ces deux sensibilités et modes d’expression ?

LE PROJET

Comment faire cohabiter un être multiple ? L’impossible principe d’unité chez l’homme à l’identité trouble n’est-il pas le plus grand des sujets de l’existence ? Tous les grands mythes n’avaient-ils pas plusieurs faces ? Médée ne pouvait-elle pas être à la fois la mère aimante et douce et la marâtre destructrice et sauvage au cours d’une même vie ?

Une gestuelle nourrie par le vécu

32 variations comme 32 facettes de soi. Autant de variantes partant d’une même base. La chorégraphe Claire Durand-Drouhin compare ces variations dansées à des « croquis ».

Peu à peu une multitude de personnages et de situations se mélangent.
La danse est rythmée, souvent rapide et vive comme la partition. Des milliers de gestes reliés suivent le courant musical de ces variations avec précision.
Tous ces gestes sont inspirés de son quotidien de femme, de mère, de parisienne, mais également d’autres personnages. Entre autre des patients croisés à l’hôpital psychiatrique où elle anime des ateliers depuis dix ans. La plupart de ces gestes sont reconnaissables, ils évoquent des situations concrètes, des humeurs, des personnages. Ces gestes parfois primaires, naïfs, sont reliés et rythmés entre eux pour former un langage.

Pour la chorégraphe, le champ d’inspiration n’a pas de limite, des personnes croisées dans la rue peuvent faire naitre un geste et agit sur l’imaginaire, tout autant que l’actualité. Les toutes dernières variations sur lesquelles elle travaille sont influencées par les évènements de ces derniers temps. Des images de guerre, de terrorisme, d’intellectuels en danger, tous ces êtres habitent également sa pensée puis sa danse : «  Il y a une variation où je suis un homme sous les bombes qui cherche ses lunettes. Je vois une variation ou je suis un mort puis je sors de mon corps inerte pour devenir les vierges promises au paradis des martyrs. »

Le parcours de la danse évolue au fil des variations, de l’épure initiale vers un lâcher-prise, où un humour, une folie et une théâtralité trouvent aussi leur place, toujours en interaction avec la structure musicale et l’architecture du chef d’œuvre de Bach.

Structure mécanique et mouvement

Autant influencée par le travail d’Anne Teresa de Keersmeaker que par la danse des patients à l’hôpital, le langage de Claire Durand-Drouhin porte une attention particulière à la mesure, à la répétition, aux accents.

« Corporaliser le son. Incorporer des décrochés dans une énergie ininterrompue. Faire dialoguer une approche technique et linéaire du mouvement et l’accidenter d’une gestuelle vivante, intentionnée. Raisonner et déraisonner le mouvement… et jouer de cette alternance pour en faire jaillir une danse de contraste. »

 C’est nourrie de toutes ces années passées à entreprendre des projets en milieu psychiatrique, à tenter de réunir en un seul espace des corps aux approches si contrastées, aux facultés diverses, aux contraintes multiples, qu’elle entreprend cette création.

“Mon travail avec des patients internés pour troubles du comportement et déficience intellectuelle sévère, a fait évoluer mon travail chorégraphique mais a aussi redéfini mon travail d’interprète. Ces contacts physiques, avec des corps différents, m’ont invité à penser le mouvement autrement, redécouvrant une certaine liberté comportementale. Ils ont inconsciemment imprimé une gestuelle dans ma danse, qui s’affirme aujourd’hui, et définit son caractère protéiforme.”